Déclaration portant sur la construction du tuyau de rejet en mer de VALE INCO Goro Nickel et le non respect du
Droit du peuple autochtone d’exprimer son consentement préalable et éclairé et d’assumer ses
responsabilités à l’égard des générations futures et relatives à la conservation de leur environnement.
Les populations kanakes de l’Ile Ouen , de l’Ile des Pins et de Goro vivent et respirent au rythme
des courants des passes de l’Havanah, de la sarcelle et du canal woodin qui charrient d’un bord à
l’autre suivant les marées, les lunes et les vents, les poissons et toute la biodiversité vivante du milieu
récifal et marin.
Cela dure depuis des millénaires, et malgré la colonisation et les déplacements de nos clans, nous
continuons à vivre nos mythes et nos légendes ; et cette science-fondement et instrument de notre
conception philosophique du monde - nous a permis de vivre en harmonie avec la nature et de la
préserver.
Rappelant :
Le lancement en 2001, sans les autorisations administratives, ni le consentement préalable et
éclairé des autorités coutumières, de la construction de l’usine par la société Canadienne INCO ;
La dimension culturelle et les pratiques coutumières lesquelles n’ont jamais été prises en compte,
dans l’étude de l’état initial et dans les études d’impacts du projet ;
La pose le 14 juillet 2002 par toutes les autorités coutumières de Djubéa-Kapone et des 8 pays
kanak, sur l’initiative du Grand Chef ATTITI Charles, de « GÖÖ VARE KAN » appelé aussi « Le Bois
Tabou » dont l’objet selon la tradition kanak est d’interpeller l’industriel et les institutions sur les
conséquences des travaux de destruction des forêts, des cours d’eau et de l’environnement en général et
sur les impacts socio-culturels de la mine et de l’ usine ;
Le sens dans la tradition kanak de la plantation d’un « Bois Tabou » appelée en langue Djubéa
Kapone « Djawen ou Pie » lequel signifie la demande de l’arrêt de l’occupation foncière et l’ouverture
de « palabres » qui permettront s’il y a accord, de libérer les espaces naturelles considérés ;
Que depuis cette date du Djii Djarù-14 juillet 2002, le comité RHEEBU NUU a été chargé par les
autorttés coutumières de Goro et du Sud, de porter et de relayer leurs préoccupations - lesquelles ne
peuvent être appréhendées qu’à la lumière de l’histoire du pays avant et depuis la colonisation ;
Que les confrontations entre l’industriel Goro Nickel, la Province Sud d’une part et le comité
RHEEBU NUU d’autre part ont été nombreuses et perdurent tant qu’un accord durable n’a pas abouti
entre les parties ;
Que des discussions ont été engagées depuis juin 2007 entre l’Instance Autochtone des
Négociations composée de représentants du SENAT Coutumier et de RHEEBU NUU, la PROVINCE
SUD et GORO NICKEL ;
Que ces discussions qui durent depuis huit mois n’ont toujours pas franchi la première étape en
l’occurrence la signature par les trois parties du PREAMBULE ;
Considérant :
Que le lancement des travaux de pose du tuyau de rejet en mer de 24 kms, sans concertation et sans
l’accord des conseils des clans de l’Ile Ouen et de Goro directement concernés par l’espace naturel
coutumier a crée un sentiment de frustrations et de révolte dans la population autochtone de l’Ile Ouen,
de L’Ile des Pins et de Goro, ainsi que parmi la population en général et les professionnels de la mer ;
Qu’il est du devoir et de la responsabilité des clans de la mer représentés, venant de l’Ile Ouen, de
l’Ile des Pins et de Goro, d’affirmer leurs droits coutumiers et collectifs sur l’espace coutumier
maritime ;
Qu’il est de la responsabilité du comité RHEEBU NUU, de toutes les autorités coutumières et de
tous les citoyens d’être solidaires avec l’objectif d’être compris et pris en compte par les pouvoirs
publics et par l’industriel ;
Nous, autochtones représentants les clans de la mer et les autorités coutumières de l’Ile Ouen, de l’Ile des
Pins, de Goro, de Touaourou, de Waho , d’Unia, de Saint Louis, du Mont Dore, de Conception et de Paîta,
Nous autorités coutumières du pays Kanak tout entier,
Nous membres des associations environnementalistes et des syndicats
Nous membres de partis politiques ou simples citoyens
AFFIRMONS,
Que l’installation de l’usine Goro Nickel et la construction de ce tuyau de 24 kilomètres de long, dans la
baie de Prony et dans le canal de l’Havanah sans notre consentement préalable et éclairé constitue une
violation de nos droits humains et de notre tradition.
Que la mort du Baleineau bleu en 2001 a été pour nous, gens de la mer, gens du Sud et des Iles loyautés,
un signal et un réveil
Que notre responsabilité collective envers cette mer qui abrite l’esprit de nos ancêtres et les totems des
clans de la mer, est pleinement engagée.
En tant que citoyens et pêcheurs du lagon du grand sud, que notre vivier et le « garde à manger » marin
sont mis en danger par le tuyau de Goro Nickel ;
Que le label « terre originelle » image de promotion touristique de la province Sud est menacé par
l’usine Goro nickel et le rejet en mer ;
Que la construction maintenant et par anticipation du tuyau de rejet en mer est un obstacle posé délibérément
par Goro Nickel contre l’inscription de la zone côtière et de la réserve Merlet au patrimoine mondial de
l’UNESCO ;
Ainsi
Nous référant à la déclaration 15.14 de la charte de décolonisation de 1960 de l’ONU auquel est rattaché
le peuple Kanak et les citoyens du pays, depuis l’inscription de la Nouvelle Calédonie sur la liste des pays à
décoloniser en 1986 ;
Considérant la résolution du 8 décembre 2000 et le plan d’action y afférant sur la prorogation de la
décennie pour l’éradication du colonialisme (2001-2010) ;
Nous référant à l’Accord de Nouméa signé le 5 mai 1998 et à son préambule qui stipule à l’article 3 «…
Il convient de faire mémoire de ces moments difficiles, de reconnaître les fautes, de restituer au peuple kanak
son identité confisquée, ce qui équivaut pour lui à une reconnaissance de sa souveraineté, préalable à la
fondation d’une nouvelle souveraineté, partagée dans un destin commun… » et à l’article 4. « …La
décolonisation est le moyen de refonder un lien social durable entre les communautés qui vivent aujourd’hui
en Nouvelle-Calédonie, en permettant au peuple kanak d’établir avec la France des relations nouvelles
correspondant aux réalités de notre temps ;
Nous référant à la déclaration du 23 août 2002 par laquelle les autorités coutumières du pays – le sénat
coutumier et les conseils d’aire- ainsi que les chefferies ont défini et affirmé le Droit du peuple autochtone
Kanak sur l’espace et le patrimoine naturel de la Kanaky Nouvelle Calédonie notamment à l’article 12 lequel
précise que la démarche coutumière pour libérer les espaces naturelles nécessaires aux projets doit être suivie
et doit précéder toutes autorisations administratives
Nous référant à la déclaration des nations Unies du 13.09.07 sur les Droits des Peuples Autochtones
votée par la France laquelle affirme notamment le droit des peuples autochtones aux terres et ressources qu’ils
ont utilisés (article 26), leur droit à exprimer leur consentement sur tout projet de développement affectant ces
terres(article 32) ainsi que leur droit de conserver et de renforcer leurs liens spirituels particuliers avec les
terres , territoires, eaux et zones côtières et autres ressources qu’ils possèdent ou occupent et utilisent
traditionnellement et d’assumer leurs responsabilités en la matière à l’égard des générations futures et à la
conservation de leur environnement(article 29).
Nous référant à la charte de l’environnement et au principe de précaution inscrits dans la constitution
Française ;
Nous référant à la convention de Rio, à l’agenda 21 et à la convention sur la biodiversité et à l’article 8J…
DECLARONS,
1) La construction du tuyau sur le domaine public maritime, n’ayant pas eu le consentement préalable et
éclairé des clans de la mer et des chefferies de la région, doit être stoppée.
2) Dès à présent, la procédure de plantation d’un bois tabou et corrélativement la procédure de consultation des
clans de la mer et des chefferies est engagée. Cette procédure envisagée par feu le Grand Chef ATTITI en
2002 doit être réalisée dans les 3 mois à venir.
3) L’inscription de la zone Prony et de toute la zone côtière de l’Havanah, dans la zone tampon du site
d’inscription au patrimoine de l’UNESCO ( de Merlet et de l’Ile des Pins ) est nécessaire et indispensable.
4) La décision d’inscription au niveau de l’UNESCO doit intervenir avant tout travaux à venir se situant dans
le domaine coutumier maritime.
5) Une étude approfondie des mythes et des légendes de la région et en particulier du milieu marin doit être
menée et elle sera conduite sous la responsabilité du Comité RHEEBU NUU.
6) Une étude approfondie du milieu marin de toute la zone de Prony, de la kwé, de la Kuébini et des différents
canaux de l’Havanah, de Woodin et de la Sarcelle sera engagée sous la responsabilité de la Province Sud et
de l’industriel avec la participation de Rhéébù Nùù et de CoDefSud. L’objectif sera de déterminer l’état zéro de
la zone impactée par le projet Goro Nickel au moment présent, après les déboisements sauvages des 2 000
hectares de forêts et de biodiversités, les terrassements monstres non contrôlés depuis 2001 et les travaux du
port et le rejet des eaux usées dans la baie Nord.
7) Tous les moyens techniques et scientifiques nécessaires aux études évoquées aux points 5 et 6 seront mis à
disposition ou financés par l’industriel VALE INCO, ainsi que les cartes et supports audiovisuels nécessaires à
la compréhension des populations locales et du public.
8) Il est demandé dans un délai d’un mois à l’industriel VALE INCO de fournir un bilan quantitatif des
impacts et de l’empreinte physique de la construction de l’usine sur ce milieu à 90% vierge au moment du
lancement des travaux en 2001. Ce bilan doit permettre de valider l’estimation du coût de la destruction de la
biodiversité terrestre et marine par le projet, pour que celui-ci soit compensé et pris en compte dans le coût
d’investissement et dans le capital de la société Goro Nickel au profit des populations autochtones, locales et
de la province Sud.
9) Il est demandé à VALE INCO de limiter le nombre de personnes physiques sur le site de construction à un
seuil acceptable pour limiter l’impact environnemental. Nous considérons que le chiffre de 5 000 est déjà au
dessus du seuil tolérable.
10) Dès à présent un protocole de mobilisation des scientifiques indépendants dont ceux ayant notamment
réalisé les expertises, doit être mis en place entre la PROVINCE SUD, VALE INCO et RHEEBU NUU pour
étudier la prise en compte des recommandations actés et poursuivre les études sur les sujets qui restent
préoccupantes et sont sujets de blocages dans l’avenir.
Parmi ces sujets, il y a le rejet en mer de l’effluent, le stockage des résidus, la stabilité des sols, la gestion des
fosses minières, les rejets atmosphériques et la sécurité civile des installations chimiques et l’application des
règles et normes Seveso 2 et autres normes européennes.
11) Le plan de surveillance des animaux et de la biodiversité du milieu marin et la liste de toutes les séries
d’indicateurs et de paramètres bio de références doivent être arrêtés avant l’arrêté ICPE.
12) Le trafic maritime durant la saison des baleines doit être réduit au minimum.
13) Un fonds de garantie doit être constitué et mis en place dans une banque locale. Son objet sera de prévenir
toutes les conséquences et pollutions qui seront générées du fait de la transformation du milieu naturel, soit par
une catastrophe industrielle, soit par des catastrophes naturelles ( cyclones, glissement de terrains, ruptures de
digues, séismes…).
14) L’Instance autochtone de Négociation et le comité Rhéébù Nùù sont chargés de veiller à l’exécution de la
présente Déclaration et doivent organiser la consultation permanente des présents signataires ;
15) La mobilisation sur le terrain et dans la baie de Prony sera maintenue en attendant les cérémonies coutumières
et la réalisation de la présente Déclaration.
16) Communication de la présente Déclaration sera faite d'une part à toutes les chefferies, aux clans de la mer
et aux institutions coutumières du Pays, et d’autre part à toutes les structures associatives, politiques et
syndicales.
17) Cette Déclaration sera paraphée par toutes les structures et autorités qui adhèrent, en vue des cérémonies
coutumières des Bois TABOU de Cap N’DUA et du triangle marin ;
18) Cette Déclaration sera présentée aux institutions de la Nouvelle Calédonie, à l’Etat Français, communiquée
à la Communauté Européenne, au Groupe des Fers de Lance Mélanésien, au Forum du Pacifique, aux
représentants des Etats de la région, aux instances internationales et de l’ONU, dont l’instance permanente des
peuples autochtones, au comité de décolonisation et au comité des Droits de l’Homme.
Les Signataires présents à OUARA – ILE OUEN
Le Président du Conseil de l’île Ouen: WETHY Olivier
Les représentants des Clans :
WADECLA Pascal, KAPETHA Théophile, WENIEWA Richard, MEI Joseph, GENET Jean-Claude, COMBO Louis
Pour la délégation de l’ILE DES PINS :
APIKAOUA Albert, NEOERE Steeve, TEINAURI Michel, NOUKOUAN Gilbert, VAKOUME Marc, DOUEPERE
Marius, VAKIE Jean-Claude, KOUTCHAOUA Lucien, VENDEGOU Lionel, MANDHI Vincent, KOUATHE Elvil
Les représentants des clans de Goro :
ATTITI Martial, AGOURERE Alfred, AKOUGNI Charles, VAMA Eustache, WATRONE Michel, VANDEGOU
Claude
Les représentants des clans de Touaourou
ATTI Gabriel, TARA Thoma, VOUTI Jean-Claude, OUETCHO Etienne, KOUREVI Prospe, NEPORON Maxime
Les représentants des clans de Waho :
KOROMA Adrien, AGOUROU Gustave, AKAPO Anicet
Le Conseil de la Tribu d’Unia
Le Président du Conseil : ATINOUA Edouard
Le porte parole : WEDE Rock, Le Secrétaire : TARA Lambert
La chefferie de Saint Louis :
Le Grand chef Roch WAMYTAN
Le président du Conseil : Wilfried NEMOADJOU
Porte parole : Gabriel KATE
Pour la délégation de Conception
DHOU Maurice, WAMYTAN Pierre Channel, DIOBOA Joseph, OHNO Fernand
Pour le Conseil National des Droits du Peuple Autochtone de Kanaky (CNDPA KNC) :
Le président : Dick SAIHU
Le Sénateur Coutumier de l’aire IAAI : Ambroise DOUMAI
Pour le Comité de Revendication Indigène (CRI) : PEU Elie
Pour le Conseil Autochtone pour la Gestion des Ressources Naturelles (CAUGERN) :
Le président PONGA Amossa
Le Comité Rhéébù Nùù :
Le président : VAMA André, La vice présidente : WAMYTAN Clémence
Le vice président : NEWEDOU Hubert, Le secrétaire général : MAPOU Raphaël
mercredi 27 février 2008
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