Colloque des 25 et 26 avril 2008. (Mairie de Paris, Palais du Luxembourg)
Titre « Océaniens et non Européens, notre droit à l’indépendance se réalisera dans l’ensemble Pacifique ».
Sous titre «Petite leçon d’histoire, de droit, de géographie »
Roch WAMYTAN, président du FLNKS (1995-2001)
Signataire de l’accord de Nouméa
Préambule
J’interviens ici en ma qualité de témoin et acteur des accords de Matignon en 1988 et Nouméa en 1998, textes fondateurs de la Nouvelle Calédonie d’aujourd’hui. Témoin de l’accord de Matignon, en effet au cours du mois de Juin 1988, Jean Marie Tjibaou, alors président du FLNKS, m’avait demandé de le représenter à une réunion de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) à Addis Abeba en Éthiopie, puis de le rejoindre à Paris où l’avait convié le premier ministre M. Rocard. J’ai ainsi suivi en « coulisse » les négociations qui ont abouti à l’accord de Matignon. Acteur de l’accord de Nouméa, puisqu’en 1998, c’est en tant que président du FLNKS, à la tête de la délégation indépendantiste, que nous avons négocié puis signé cet accord à Nouméa le 5 mai 1998 aux côtés du premier ministre de la France Mr Lionel Jospin et de Mr Jacques Lafleur, président du RPCR.
Ces accords ont été signés, au nom du Front de Libération Nationale Kanak Socialiste. Le FLNKS porte la revendication nationaliste kanak, il est sujet de droit international et bénéficie des droits et obligations reconnus à tout Mouvement de Libération Nationale (MLN), depuis la réinscription de la Nouvelle Calédonie sur la liste des pays à décoloniser de l’ONU le 2 décembre 1986, résolution 41/41 A de l’assemblée générale des Nations Unies.
Si j’ai bien compris la démarche des organisateurs, il convient de parler vrai, de dire les choses telles qu’on les ressent de là ou nous sommes, et éventuellement interpeller le premier ministre M. Rocard sur certaines questions ou sur des points particuliers quant au rôle de la France dans le processus de décolonisation de la Nouvelle Calédonie.
Dans l’exercice de mes différents mandats politiques à l’assemblée de la province sud, le congrès et le gouvernement ou encore en tant que président de l’Union Calédonienne (UC), (1999-2001), vice président du FLNKS (1990-1995) puis président du FLNKS (1995-2001), j’ai toujours œuvré afin que les deux accords de 1988 et 1998 soient appliqués dans l’esprit et dans la lettre.
Mon intervention, cet après midi, sera basée essentiellement sur la question de la décolonisation de notre pays. Je vais donc essayer de vous donner, le plus brièvement possible les clefs essentielles, dans le temps qui m’est imparti, sur le contexte historique dans lequel les deux accords ont été signés, le non respect du droit international fondement de la revendication nationaliste kanak, enfin quelques perspectives. J’espère que cela suscitera de nouvelles recherches, particulièrement chez les étudiants calédoniens et notamment kanak qui doivent connaître les périodes sombres de notre histoire confrontée au colonialisme considéré par l’ONU depuis 1970 comme un crime (1).
Introduction générale
Les accords de Matignon- Oudinot et Nouméa se situent dans la lignée de moult statuts et arrangements constitutionnels pour assurer le contrôle des colonies et de l’outre mer.
Depuis 1940, année de la création du « Conseil de défense de l’Empire » (2), jusqu’à nos jours, l’Etat a constamment fait le choix de chercher et construire sa propre indépendance en contrecarrant l’indépendance de ses colonies et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (3). Les raisons avancées sont multiples : sa grandeur, sa place dans le monde, ses intérêts supérieurs (4)… et depuis ces dernières années son rang de deuxième puissance maritime. Ses slogans perdurent et illustrent cette politique « la France des trois océans où le soleil ne se couche jamais », « l’outre-mer, la respiration de la France dans le monde » (5) En refusant la décolonisation des peuples par des moyens divers, l’Etat contribue à bloquer le compteur de l’histoire au lieu de refermer « la parenthèse » que constitue le système colonial comme l’a souligné, à plusieurs reprises, l’ancien secrétaire général de l’ONU, Koffi Anan
Les méthodes pour maintenir ces situations d’oppression sont largement connues et décrites avec détail. Je citerais brièvement pour ma part, les guerres coloniales, les statuts à répétition une sorte de « guerre des statuts », les accords truffés de pièges pour les ralentir, les rendre caduques ou inopérants, les accords portant à croire que les colonisés veulent rester au sein de la République du genre « c’est eux qui le demandent ». A monsieur Rocard qui comme ses prédécesseurs, propose de « décoloniser dans la France », je réponds par l’affirmation de Mr Earl Stephen Huntley Président du comité spécial des 24 de l’ONU, qui déclarait le 12 février 2003 : « Certains Territoires non Autonomes se bercent de l’illusion de l’autonomie en se montrant prompts à légitimer l’autorité unilatérale d’un pays plus important. Loin d’avoir disparu, le colonialisme a pris de nouvelles formes plus sophistiquées, à savoir le déni de l’existence d’un statut pour les Territoires non autonomes ».
S’il y a de la résistance de la part des peuples sous tutelle, alors des moyens plus radicaux sont utilisés de façon insidieuse. Ces moyens vont s’exercer sur trois cibles principales que sont d’une part les MLN et les partis indépendantistes qui sont infiltrés, « doublés », réprimés, interdits…, d’autre part les leaders qui sont retournés, éliminés politiquement ou assassinés… enfin les populations qui sont déplacées et transférées, « l’idéal » étant de mettre en place une colonie de peuplement accompagnée d’une stratégie de la tension et de la peur. Diviser pour régner, manipulations, désinformations… complètent les moyens employés à cette fin, « briser la résistance ». Mr Raymond Nart de la Direction de la Surveillance du Territoire (DST) nous l’explique « il faut détecter, recruter, retourner, pénétrer, désinformer ou mieux intoxiquer pour amener l’adversaire à s’autodétruire ».
Cela, l’histoire de la décolonisation et des recolonisations, nous l’a appris, notamment avec ce que l’on sait sur le système de la « Françafrique » si bien décrit par l’association Survie dont les livres de François Xavier Verschave. Notre pays la Nouvelle Calédonie n’a pas échappé à cette main mise de l’Etat tout au long de son histoire. Je la connais bien, elle m’a été racontée, notamment, par mon grand père maternel, Roch Pidjot, membre fondateur de l’Union des Indigènes Calédoniens Amis de la Liberté dans l’Ordre (UICALO), de l’Union Calédonienne, député du territoire de 1964 à 1986, lui qui a été grand chef du temps de l’indigénat, marié à une descendante de la chefferie de Dumbéa rayée de la carte par l’armée coloniale voilà 150 ans exactement. Il m’a raconté les manœuvres dont il a fait l’objet. Tout d’abord en tant que conseiller territorial autour du référendum de la constitution de 1958, puis en tant que ministre durant la loi Defferre qui aurait dû restée inchangée afin de disposer du temps nécessaire pour préparer l’indépendance. Enfin en tant que député autour des discussions du projet de loi Lemoine en 1984, après le rejet de son projet de loi sur l’indépendance jugé anticonstitutionnel.
La colonisation, nous la connaissons donc à travers les livres et les récits que nous ont rapportés nos anciens, mais hélas aussi à travers nos propres responsabilités difficiles face aux nombreux obstacles et dans un rapport de force si défavorable. Responsabilité avec ses doutes, déceptions, craintes, angoisses, sacrifices ainsi que son lot d’erreurs. Responsabilité procurant par ailleurs la satisfaction de participer à notre lutte de libération, de faire vivre nos espoirs, de remporter quelques victoires. Mme Caroline Machoro vient, avec beaucoup d’émotion, de vous décrire les grandes étapes de notre lutte et de ses espérances. Les promesses et les revirements successifs de l’Etat pour garder son empire colonial et son outre-mer, ajoutés aux souffrances endurées par notre peuple depuis la prise de possession le 24 septembre 1853, ont conduit à une perte quasi irréversible de confiance en une France plus soucieuse de défendre le droit des peuples en dehors de son pré carré. Une France qui ne cesse de se proclamer « Patrie des droits de l’Homme » pour masquer ses manquements au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
1-Le Contexte historique des accords
A vingt ans et dix ans de distance, avec cette histoire présente à la mémoire, on doit mettre en lumière les zones d’ombre et les manœuvres dont ont fait l’objet les leaders de l’époque, en particulier les leaders indépendantistes.
1.1 L’accord de Matignon
S’agissant de l’accord de Matignon, le film « les médiateurs du pacifique » qui nous a été projeté ce matin à la Mairie de Paris illustre en partie ces manœuvres.
A l’occasion du boycott du « statut Pons » en 1988, eut lieu la tentative d’occupation de la brigade de gendarmerie de Fayaoué (Ouvéa), par des militants du FLNKS. Elle entraîna, hélas, un terrible drame, la mort de quatre gendarmes. En réponse, l’Etat, pour libérer les gendarmes détenus en otage, déclare une guerre coloniale à Ouvéa sur fond d’enjeu de pouvoir franco-français, l’élection présidentielle de 1988. Suite à ces deux évènements, l’Etat détourne le projecteur et, sous le manteau de la neutralité objective, se transforme en arbitre entre deux communautés car le pays serait « au bord d’une guerre civile ». Le colonisateur « pyromane pompier » se métamorphose, par un tour de passe-passe, en « faiseur de paix » grâce aux « médiateurs du pacifique » et l’accord de Matignon. Le réalisateur reprend la thèse officielle dans la présentation de son film, « la France faisant œuvre de Paix. Quel message plus universel ?» Mais il nous informe aussi des pressions exercées sur les négociateurs calédoniens à l’instar de ce qui vient d’être décrit à propos de la colonisation (6). Il nous précise enfin que l’Etat proposait aux négociateurs, la paix et la réconciliation ou la guerre. (7)
Suite à ces pressions, les deux négociateurs signaient l’accord de Matignon le 26 juin 1988, le symbolisant par une poignée de main historique. En tant que membre de l’Union Calédonienne dont la devise est « deux couleurs, un seul peuple », je ne peux pas dire que la poignée de main et le rapprochement des deux leaders étaient inutiles, je salue cette démarche empreinte de dignité. Elle a ouvert de nouvelles et de vastes possibilités dans le champ du « vivre ensemble » en permettant de faire émerger la conscience d’appartenir à un pays et à un peuple en devenir. Ce rapprochement a aussi permis une meilleure compréhension des uns et des autres sans oublier toutefois de noter que les élus calédoniens se connaissent et travaillent depuis longtemps au sein des institutions de leur pays. Hélas, malgré cela, les stratégies de tension et de peur, pour sauvegarder la Nouvelle Calédonie française, se révèlent toujours aussi dangereusement « efficaces ».
Il est vrai cependant que beaucoup de calédoniens ont découvert qui étaient vraiment les kanak après les « évènements » de 1984, les drames d’Ouvéa et les accords de Matignon Oudinot. Avant cette date, ils étaient « invisibles » ou transparents. Depuis les massacres et les expulsions du siècle précédent, les kanak s’étaient fondus dans le paysage pour se faire oublier afin de survivre tout simplement. Leur histoire a rattrapé l’histoire officielle de la Nouvelle Calédonie, « pays du non dit » par excellence. La poignée de main, malgré ses effets positifs immédiats ou à terme ne peut pas être un prétexte pour maintenir le statu quo. Certes, le geste a permis le début d’une nouvelle espérance, il doit se prolonger par une réelle volonté de changement dans le respect du droit de chacun, de tous les citoyens, mais il ne peut bafouer celui du peuple colonisé réclamant son indépendance.
La signature de l’accord de Matignon reportant l’indépendance sine die, condamnait Jean Marie Tjibaou. Il le paya de sa vie un an plus tard. C’est ce que lui dira Yéwéné Yéwéné au sortir de Matignon : « nous sommes dans un trou noir ». L’accord de Matignon fut contesté par les instances du FLNKS. Ainsi à la convention de Thio, Jean Marie Tjibaou écoutera avec un calme et une dignité extraordinaire les militants lui reprocher son geste. A la fin de la journée, à court d’argument, il se justifiera par la mort de ses frères assassinés à Tiendanite (Hienghène) en décembre 1984 et les reproches de sa propre mère, décédée peu après, qui lui en faisait endosser la responsabilité. « A vous qui me reprochez cet accord, je vous dis merde ». Il criait par là sa souffrance face au poids des drames de Tiendanite et d’Ouvéa. La convention de Gossanah (Ouvéa) exigeait, quant à elle, un réaménagement de l’accord sur des questions de fond (8). Ce à quoi répondait M.Rocard par une fin de non recevoir sauf à obtenir l’assentiment de J. Lafleur (9)
Vingt ans après ces évènements, on continue à se poser des questions sur la responsabilité politique de la mort des trois leaders indépendantistes : Jean Marie Tjibaou, Yewene Yewene et Djoubély Wea le 4 mai 1989 à Wadrilla (Ouvéa). En signant cet accord, qui contrait l’indépendance du pays kanak, Jean Marie Tjibaou avait t-il conscience qu’il mettait sa vie en danger et pourquoi l’a-t-il accepté ? Ou alors comment les négociateurs de l’Etat l’ont-t-il persuadé de signer, avaient t-ils des moyens de pression sur sa personne ? A-t-il fait l’objet de pressions par rapport à la mort de ses frères et au massacre d’Ouvéa ? Dans quel état d’esprit était-il ? Certains ont-ils profité de sa « fragilité » pour lui arracher cet accord qui devait le conduire à la mort ?
Avant cette nuit du 25 au 26 juin 1988, il nous a fait part du ton parfois menaçant de ses interlocuteurs, comme par exemple que le statut Pons ne serait pas modifié s’il ne signait pas un accord, que les milices dont il demandait le désarmement, ne seraient pas désarmées, que l’armée française pourrait encore intervenir sur d’autres points du Territoire s’il le fallait etc… « Voulez vous la mort de votre peuple » lui a-t-on demandé. Les menaces s’accompagnaient en outre de promesses. Ainsi, en contrepartie d’un accord, l’Etat allait s’engager à pourvoir à la Nouvelle Calédonie les moyens d’un développement sous le principe du rééquilibrage, pour préparer le pays à l’indépendance, mais ceci reportait à plus tard la question de l’exercice du droit à l’autodétermination et à l’indépendance.
Par ses interrogations et ses doutes, Jean Marie Tjibaou exprimait sa volonté d’avoir le soutien des instances du FLNKS, avant de poursuivre les négociations avec l’Etat.
Aussi, je tiens à vous faire part d’un fait que je considère très important, il s’agit d’une lettre de Jean Marie Tjibaou adressée au premier ministre M.Rocard le 25 juin 1988. En fin d’après midi, ce jour là, il avait demandé à Yéwéné Yéwéne, Léopold Jorédié et moi-même de le rejoindre dans sa chambre d’hôtel. Il nous explique qu’après les rencontres bilatérales avec le premier ministre, il va devoir accepter de signer un accord qu’il ne peut assumer seul. Il a donc besoin de recueillir l’aval et le soutien du FLNKS sur les contours d’un éventuel accord avant d’engager son peuple. Le ton et le contenu de la lettre reflétaient la gravité du moment. Ainsi, il viendrait à Matignon avec sa délégation mais après avoir entendu le premier ministre, il comptait lui demander de suspendre de quelques semaines les négociations. Je vais personnellement déposer la lettre à Matignon, il demande à Léopold Jorédié et moi-même d’attendre à son hôtel le retour de la délégation. Que se passe t-il après ? L’attente dure toute la nuit et le dimanche 26 juin, au petit matin, on apprend qu’il a finalement signé l’accord dit de Matignon alors que, d’après le planning, les rencontres devaient se poursuivre encore le mardi. Le piège mis en place par Mr Rocard s’était refermé, une fois de plus, à partir de pressions et de fausses promesses. (10).
Au cours de l’année d’administration directe (1988-1989) Jean Marie Tjibaou s’est plaint à plusieurs reprises des mensonges avérés, des promesses non tenues, et des difficultés qu’il rencontrait déjà pour faire vivre l’accord de Matignon Oudinot. Ainsi, preuves statistiques à l’appui, l’Etat disait, contrairement aux chiffres avancés par le FLNKS, que les kanak seront majoritaires au référendum de 1998. Par ailleurs le gouvernement s’engageait à freiner le flux de migration en provenance de la Métropole notamment par la suppression de l’indexation des retraites. Enfin des mesures d’accompagnement seront prises pour inciter les expatriés métropolitains à rentrer en France. (11). Au lendemain du référendum du 6 novembre 1988, il déclarait à une journaliste Australienne à propos de ces accords « Le FLNKS n’est pas marié aux dix ans de l’accord, il s’y tiendra si les autres s’y tiennent. Que font aujourd’hui certains signataires alors qu’il est question de partager ? En fait, ils ne partagent rien, ils ne cherchent qu’à exclure les autres.». Dans une interview donnée à un journal australien à Sydney en janvier 1989, il laissait entendre un éventuel retrait de cet accord, quelques mois plus tard, il était assassiné à Wadrilla lors de la cérémonie de levée de deuil des 19 martyrs d’Ouvéa. Son assassinat et le sang versé scellaient définitivement l’accord de Matignon Oudinot, telle est la tradition kanak. Il portait seul la responsabilité de l’accord, lui seul pouvait revenir sur cet accord, sa mort liait le FLNKS à l’accord de Matignon puis dans son prolongement, à celui de Nouméa signé 10 ans plus tard. Certains avaient-ils fait le lien entre sa nécessaire disparition et la survie de l’accord ?
Le FLNKS était une fois de plus décapité, dans la droite ligne des assassinats de Pierre.Declercq en 1981, d’Eloi Machoro et de Marcel Nonaro en 1985, sans compter les nombreuses disparitions de leaders kanak (crise cardiaque, cancer foudroyant, accident de voiture, d’hélicoptère…) une illustration de « l’art de la guerre » : écrêter par la tête » ?
1.2 L’accord de Nouméa
Je ne reviendrais pas sur les aspects de l’accord de Nouméa évoqués par la vice présidente FLNKS du gouvernement de la Nouvelle Calédonie, Mme Déwé Gorodey. Elle a précisé que cet accord demeure la feuille de route de notre pays et qu’il doit aller à son terme avec l’enjeu important du transfert des compétences. Elle a exprimé avec clarté les difficultés liées à l’application au jour le jour de la collégialité au sein du gouvernement. En soulignant les avancées positives, elle a exprimé les espoirs et les attentes des acteurs œuvrant à la mise en œuvre de cet accord devant assurer le « mieux vivre ensemble » des populations.
Pour ma part, en tant que signataire de l’accord de Nouméa, j’ai vécu les difficultés de sa mise en œuvre au sein du premier et du deuxième gouvernement issus des élections provinciales de mai 1999. Depuis lors, je me suis attaché à exercer une vigilance accrue sur son application, n’hésitant pas à dénoncer tant en Nouvelle Calédonie, que devant le comité des signataires à Paris ou les instances de l’ONU à New York, le non respect, les dérives et les freins orchestrés par les deux autres partenaires de l’accord. Les déclarations à ce sujet ont fait l’objet de nombreuses publications internes (12).
Il me reste à aborder les manœuvres et manipulations sur le FLNKS. La méthode à dominante « élimination physique » des leaders indépendantistes de la décennie 1980 est passée au second rang par rapport à d’autres méthodes appliquées dans les colonies françaises : les éliminations politiques, le retournement des responsables indépendantistes et les créations de « troisième force ». Il s’agit d’une stratégie destinée à rendre inopérant tout en les neutralisant, les mouvements de libération nationale, afin de faciliter entre autre la partition des territoires réclamant l’indépendance. L’ancien ministre du général De Gaulle, Alain Peyrefitte, abondamment cité ces derniers temps par M. Rocard, aborde ces thèmes dans un ouvrage daté de 1961 intitulé « Faut-il partager l’Algérie ? ». Toutes les recettes y sont, depuis le système de fédéralisme interne et externe jusqu’aux techniques de retournement des leaders.
Le général Maurice Faivre, dans deux ouvrages, nous éclaire sur une de ces opérations. Il s’agit de la création du Front algérien d’action démocratique (FAAD) mis en oeuvre par le Service Action du « Service de Documentation Extérieure et de Contre Espionnage, (SDECE) ». Dans une de ses notes internes datée du 14 mars 1961, il précisait ainsi : « il est décidé de tenter de créer une organisation musulmane opposée au FLN et favorable au maintien de liens étroits entre l’Algérie et la métropole » (13).
S’agissant des leaders du FLNKS, les tentatives de retournement n’ont pas manqué, avec d’ailleurs plus ou moins de succès pour les « commanditaires ». La création de l’Union Nationale pour l’Indépendance (UNI) en 1995 peut être analysée sous cet angle. La mise en orbite du Comité de Coordination des Indépendantistes (CCI) en décembre 1997, devenu Fédération des CCI ou FCCI en mai 1998 relève de la même logique. Ironie de l’histoire le FAAD a été crée par le CCI (Centre de coordination inter armée) des services de la défense française. Enfin la fameuse « lettre du Figaro » publié par Alain Peyreffite en 1996, annonçant un « soi disant » accord politique secret signé par J. Lafleur et R.Wamytan, participe de la même tentative de retournement des leaders. Il faut ainsi noter que ces tentatives se déroulaient à la veille de la reprise des négociations sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle Calédonie. A l’approche des échéances capitales que sont les élections de 2009 et le référendum de 2014, que vont nous réserver comme surprise de taille, les inconditionnels du maintien de notre pays au sein de la République française ?
2-Non respect du droit international sur les fondements de la revendication nationaliste
Malgré des avancées positives, les différents accords se situent dans une continuité de démarches de l’Etat défendant avant tout ses propres intérêts. Pour contrer l’indépendance, il « décolonise dans la France ». Il propose pour ce faire, une fédération « externe » afin de garder les pouvoirs régaliens et ce malgré les échecs retentissants de l’Union Française en 1946 et de la communauté en 1958 consacrant, en vain, une double citoyenneté. Son outil, la constitution française a deux particularités. Elle « constitutionalise la colonisation » comme l’a si bien dit un député malgache en 1946 et elle bafoue le droit de l’ONU sur l’octroi de l’indépendance.
Je citerai trois exemples qui parlent d’eux-mêmes pour confirmer mon propos et qui viennent contrecarrer les conditions d’exercice du droit à l’autodétermination des peuples, telle que le rappelle la résolution 55/146 de l’assemblée générale des Nations unies en date du 8 décembre 2000 prise à l’occasion de la prorogation de la décennie pour l’éradication du colonialisme (2001- 2010) : et notamment les articles 11 et 12.
Le premier exemple est le droit de vote dont la référence au droit de l’ONU est l’article 11 de la résolution citée ci dessus : « Les puissances administrantes devraient veiller à ce que l’exercice du droit à l’autodétermination ne soit pas entravé par des modifications de la composition démographique dues à l’immigration ou au déplacement des populations dans les territoires qu’elles administrent » Cette question a fait l’objet de discussions interminables depuis des décennies alors que suivant les principes de l’ONU, il s’agit de l’exercice d’un droit lié à la notion de populations concernées. En 1983, à Nainville les roches, le Front Indépendantiste (FI) a accepté d’ouvrir ce droit uniquement aux « victimes de l’histoire ». A chaque échéance importante, ce fut le cas en 1988 et 1999, des nouveaux arrivés revendiquent cependant ce droit, réservé prioritairement au peuple colonisé. Les offensives continuent malgré la notion constitutionnalisée de « vote bloqué ». Le FLNKS s’opposera à de nouvelles manoeuvres et notamment à une interprétation abusive de l’article 218, e de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 « sont admis à participer à la consultation pour le référendum d’autodétermination les électeurs inscrits sur la liste électorale remplissant la condition suivante : «avoir l’un de leurs parents né en Nouvelle Calédonie et y avoir le centre de leurs intérêts matériels et moraux »
Le deuxième exemple est la poursuite de la colonie de peuplement, organisée, sélectionnée et intensifiée depuis les années 1950 suite à la peur de perdre les dernières colonies françaises d’outre mer dans le contexte des guerres d’Indochine et d’Algérie. (14) Les conséquences des flux d’immigration en provenance de la France métropolitaine, sont désastreuses. Le journal « Le Monde » abordait ce problème dans un article daté du 19 avril 2008, intitulé « les métros débarquent sur le caillou ». Il citait l’Institut de la statistique évoquant le chiffre de 14000 personnes installées entre 2000 et 2004 et un solde migratoire de nouveaux arrivants entre 800 et 1200 par an. La construction des usines, le dispositif de défiscalisation, les retraites indexées, constituent un appel d’air à l’immigration métropolitaine avec tous les effets négatifs qui en découlent : la flambée des prix de l’immobilier, le rejet à la périphérie de la ville ou dans les squats de centaines de familles océaniennes qui ne trouvent plus à se loger décemment en ville, la pression sur le foncier traditionnel kanak suburbain dont les revendications, les droits, sont de plus en plus bafoués. Ce flux contribue enfin à rendre de plus en plus minoritaire le peuple kanak dans son propre pays. Il en résulte des phénomènes de rejet tant de la part des kanak que des autres, notamment de la population caldoche. Comment la population concernée pourra t-elle exercer son droit à l’autodétermination avec cet afflux de population ?
Enfin troisième exemple, le pillage organisé de notre patrimoine minier avec les projets métallurgiques polluants notamment celui du sud. Ce projet va exploiter le diamant de Goro, un des gisements les plus importants au monde, cédé par l’Etat, pour « une bouchée de pain » à la société canadienne Inco. Cette transaction s’est effectuée, sur le dos des calédoniens, dans le cadre de contreparties d’Etat à Etat, tenues secrètes. A longueur d’années les sociétés annoncent leur intention d’ouvrir de nouvelles exploitations au moment où les cours du nickel sont au plus haut. De même des projets sont en cours pour exploiter nos richesses en gaz et pétrole. Que restera t-il pour les générations à venir et le futur Etat ? Comment les populations vont-elles exercer leur droit à l’autodétermination dans les meilleures conditions possibles si leurs richesses ont été pillées et leur environnement pollué ? Ainsi que le rappelle l’ONU en son article 12 de la résolution pré citée : « Les puissances administrantes devraient appliquer des mesures visant à conserver les ressources naturelles, à protéger l’environnement et à aider les peuples des territoires non autonomes à parvenir à un niveau maximal d’autosuffisance économique, de protection écologique et de développement social et éducationnel ». Nous exigeons que ce droit soit respecté.
3- Les perspectives
Certains observateurs avisés, lors de la signature des accords de 1988 et 1998, clamaient l’opportunité pour la Nouvelle Calédonie d’une décolonisation réussie. Force est de constater qu’au fil du temps, on assiste plus tôt à une décolonisation inachevée et pire à une recolonisation programmée. Deux dangers guettent principalement notre pays : la partition et la déstabilisation.
L’accord de Nouméa, comme le stipule par ailleurs le droit international, interdit la partition mais le risque demeure quant aux intentions réelles de la France. En effet, certains proposent déjà comme solution de sortie du processus de l’accord de Nouméa, le fédéralisme. Cette solution est présentée comme « la » nouveauté, alors que le système fédéral était déjà proposé aux colonies, en 1791, ce qui entraîna la révolte des esclaves de saint Domingue. Ce dispositif institutionnel « fédération interne et externe » pourrait déboucher sur une partition de la Nouvelle Calédonie, comme dit précédemment. Il convient de noter par ailleurs qu’il existe un précédent en matière de partition depuis 1975, il s’agit de l’occupation illégale de l’île comorienne de Mayotte malgré l’opposition des comoriens et les condamnations successives de l’Etat français par l’ONU.
Parallèlement en Mélanésie, les manœuvres de déstabilisation risquent de se poursuivre, l’objectif inavoué étant de créer un soi disant « îlot de stabilité » à haut niveau de vie en Nouvelle Calédonie dans un univers présenté comme « chaotique » afin de décourager toute aspiration à une indépendance future.
Que peut-on espérer pour faire respecter notre droit, au-delà de toutes manœuvres et promesses non tenues ? Si aucune solution satisfaisante dans le cadre du destin commun n’est trouvée, le peuple kanak devra alors, avec le soutien des pays frères du Pacifique, se retourner vers l’ONU pour lui demander officiellement sa protection face aux velléités de l’Etat français d’imposer ses choix sur un peuple qui ne réclame que ses droits, la justice, la dignité et la liberté. Le peuple kanak ne pourra plus se contenter de statut de transition permanent à l’intérieur du carcan constitutionnel français et accepter que son indépendance soit confisquée. Ayant définitivement perdu confiance en une France qui reste coloniale, il ne pourra plus envisager de bâtir son avenir et celui de ses enfants sur des promesses jamais tenues ou détournées de leurs objectifs par des pressions et du chantage permanents.
Le temps jouant finalement contre le projet d’indépendance, le FLNKS ne devrait pas pousser au-delà de l’horizon 2014/2019 l’accession de la Nouvelle Calédonie à la souveraineté pleine et entière à moins de vouloir ranger aux oubliettes de l’histoire son droit inné et actif à l’indépendance.
Le temps sera alors venu de faire vivre enfin un Pacifique décolonisé dans un regroupement d’Etats indépendants et interdépendants. Il sera composé, avec l’Australie et la Nouvelle Zélande, des trois entités océaniennes : la Fédération des Etats mélanésiens, y compris Timor de l’Est et demain la Papouasie occidentale, la Polynésie et la Micronésie. Cet ensemble, au sein du Forum du Pacifique, donnera ainsi une visibilité et une identité propre à ce Pacifique dépecé par les Etats colonisateurs européens depuis deux siècles, un Pacifique dont certains Etats européens continuent de nier la légitimité d’exister en tant que Région viable dans un monde en pleine réorganisation
Conclusion
La France ne veut pas l’indépendance de son outre mer. Il est grand temps qu’entre tradition coloniale et modernité, la France fasse le choix de la modernité. Le discours du président de la république Nicolas Sarkozy à Dakar sur « l’histoire et l’Afrique » (15) est à juste titre controversé, car anachronique. La problématique qu’il développe doit être renversée. Il décrit en effet le drame d’une France empêtrée dans ses contradictions historiques et psychologiques, arrivant difficilement à surmonter son « passé colonial » pour pouvoir enfin entrer dans l’histoire. Il est temps que la France s’applique à elle-même les leçons qu’elle donne aux autres peuples qu’elle a contribué à asservir. Il est temps qu’elle cesse de resservir à ces peuples des solutions datant de sa révolution de 1789 (16)
Nos droits ne sont pas négociables et doivent être respectés. La Nouvelle Calédonie ne doit pas être dépecée et partagée (17) L’Océanie n’est pas l’Europe. Les frontières de l’Europe, toujours en discussion, ne sont pas censées se prolonger jusqu’au Pacifique, même si la France offre son outre mer dans la corbeille de mariage de l’Europe. Au même titre que les jeunes français participent et feront vivre la construction Européenne, notre jeunesse, toutes ethnies confondues, doit construire son avenir dans le Pacifique. Un pacifique respecté, reconnu et en inter relation avec les autres régions du monde.
R.Wamytan
Mai 2008.
Notes
(1) ONU Assemblée Générale 25ème session, résolution 2621 (XXV) du 12 octobre 1970 « déclare que la persistance du colonialisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations représente un crime qui constitue une violation de la Charte des Nations Unies, de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux et des principes du droit international »
(2) Le « Conseil de défense de l’Empire » a été créé le 27/10/1940 à Brazzaville par le général de Gaulle.
(3) choix tragiquement illustré par les massacres du 8 mai 1945 à Sétif (Algérie) en ces jours de fête de la victoire, de la capitulation allemande, puis du retour en force en Indochine malgré la proclamation de l’indépendance du Vietnam le 2 septembre 1945 alors que l’ONU vient de proclamer à San Francisco le 27 juin « les droits des peuples à disposer d’eux-mêmes ».
(4)Maurice VAÏSSE, La grandeur, politique étrangère du général de Gaulle 1958-1969, Paris, Fayard, 1998, 726 p.
(5) Eric DEROO, L’illusion coloniale, Paris, Tallendier, 2005. p 164-165. « En 1945 la France qui tente de se relever de la défaite et de l’occupation sollicite à nouveau son Empire. N’est-il pas synonyme de la Plus Grande France ? Brochure « les colonies pour la libération de la métropole » en pages intérieures « France d’outre mer puissance stratégique. Par son empire la France est présente sur toutes les mers du globe (…) Dans cette guerre (…) les Territoires de la France ont pu jouer un rôle décisif par leur simple situation géographique (…)
(6) Film « les médiateurs du pacifique » : 0h54’ avant la fin. C. Blanc à J.Lafleur « Nous sommes peut-être à quelques heures d’une guerre civile (…) peut être que vous estimez qu’après tout les choses sont mieux ainsi, je sais que dans la population européenne certains estiment qu’il y a des armes d’un côté et il n’y a peu d’armes de l’autre et peut être en effet serez vous engagé dans un combat qui tuera des milliers et des milliers de kanak mais vous savez, comme moi, que la population caldoche n’est pas prête à se battre après qu’il y eut autant de victimes,, vous supplierez la France de venir vous chercher, d’envoyer des bateaux or, à ce moment là je ferai, après en avoir informé précisément le 1er ministre, une conférence de presse et j ‘expliquerai les privilèges sur ce territoire, les capitaux investis aux USA, en Nouvelle Zélande et en Australie, et vous n’aurez aucun soutien et ce jour là, monsieur le député, vos amis se retourneront vers vous en disant qui est le responsable et le responsable ce sera vous monsieur Lafleur ». Curieusement dans le film, il n’est pas fait mention des pressions exercées sur Jean Marie Tjibaou. Pourquoi ? Chercherait t-on à protéger l’image anti-colonialiste de la gauche ?
(7) Film « les médiateurs du pacifique » : 0h11’ avant la fin : Arrivée à Matignon samedi 19h30. M. Rocard « j’ai donc ouvert la séance en disant madame, messieurs il y a ici de la nourriture pour 2 où 3 jours, il y a de quoi s’allonger, je suis libre jusqu’à mardi nous sommes samedi soir mais personne ne sortira, nous ne pouvons pas avertir nos mandants d’une part moi du côté des autres membres du gouvernement, vous de votre côté des vôtres (…) Cette tirade n’a pas été bien accueilli, c’était d’ailleurs bien normal. Déjà J.Lafleur n’était pas très content mais il en avait vu d’autre et il avait une immense autorité sur sa délégation, un peu pater familias, si j’ose dire. C’était un peu moins vrai de la délégation FLNKS beaucoup plus démocratique et beaucoup plus délibérante et l’idée pour Jean Marie Tjibaou et ses compagnons de s’engager à ce point sans une approbation formelle de leurs conseils, comités, directions, leurs assemblées essentielles leur paraissait impossible et pourtant c’était un risque à ne pas prendre d’autant plus que la négociation ne donnerait pas pleine satisfaction à un groupe contre l’autre. Il a donc fallu ré intervenir en leur disant ce n’est pas un principe sur lequel on peut déroger nous sortirons d’ici sans autre rendez-vous et à la sortie ce sera la paix ou la guerre (…) sachez simplement que si nous devons nous retrouver avec la guerre la République française la fera sans faiblesse nous avons naturellement les moyens d’augmenter notre puissance militaire là bas...
(8) Extraits de la motion FLNKS de Gossanah ,Ouvéa ,23-24 juillet 1988: « (…) Le FLNKS est disposé à s’engager plus en avant dans le processus ouvert par les accords de Matignon dès lors que le cadre du plan Rocard n’est pas figé et susceptible d’aménagements sur des questions de fond. La position du gouvernement français qui récuse à l’avance aux parties concernées toute possibilité de négociation de l’accord de Matignon, ne va pas dans le sens de l’ouverture, de la recherche d’un compromis honorable pour tous. La convention du FLNKS d’Iaai donne mandat au bureau politique de prospecter toutes les voies en concertation avec le gouvernement français susceptibles de favoriser la relance de pourparlers en vue d’un accord final » Les journaux métropolitains titrent « le oui mais » ou « le non mais » du FLNKS, en voici quelques extraits : Libération du 25 juillet 1988, (p. 1) « le FLNKS critique le projet Rocard sur la Nouvelle Calédonie – un cactus sur le caillou », (p.2) « le oui minimum du FLNKS à Matignon » ». L’humanité du 25/7/88 titre (p 1) « le FLNKS pour des réaménagements de l’accord – la demande des kanak ». Le Figaro du 26/7/88 titre (p 5) « le oui si, du FLNKS relance le débat. Le canard enchaîné du 27/7/88 titre (p 1) « Tjibaou après Lafleur, les épines ! ». Libération du 29/7/88 titre (p 1) « le oui mais du FLNKS ».
(9) le journal « la Croix » dans son édition du 9 août 1988 titrait : « Le FLNKS au pied du mur : Michel Rocard réclame l’aval du RPCR pour d’éventuelles re-négociations »
(10) Les médias ont largement fait état de cette lettre en en donnant des extraits. (a) Agence kanak de presse (AKP) n°78 27/6/88 (p 1) « (…) le président Tjibaou adressait une lettre à M.Rocard (…) compte tenu des humiliations et des souffrances que nous venons de connaître, écrivait-il, nous souhaitons qu’une période de trois semaines à un mois nous permette de restituer à notre mouvement chacun des points que vous aurez arrêté en tenant compte des intérêts divergents des communautés… Le lourd tribu que notre peuple vient de payer exige que nous partagions d’abord avec lui les mesures de décolonisation que vous comptez prendre pour préparer le scrutin d’autodétermination et surtout la durée que ces mesures exigent pour sauvegarder la liberté de notre peuple au moment de son accession à l’ indépendance » / (b) Le Monde mercredi 29/6/88 (p 9) « (…) Jean Marie Tjibaou a menacé de se retirer si son n°2 refusait de l’accompagner à l’hôtel Matignon (…) le numéro 2 du FLNKS, toutefois, avait convaincu Jean Marie Tjibaou de rappeler fermement la position du FLNKS dès l’ouverture de la réunion du samedi. C’est ainsi que le président du FLNKS avait remis au 1er ministre une lettre balisant sa participation aux conversations (…) L’Etat ne peut s’abriter derrière une position d’arbitre. Il n’est pas juge mais acteur (…) il ne nous est pas possible d’engager immédiatement (l’adverbe était souligné) le peuple kanak dans une voie qui n’offre pas de perspective claire sur son accession à la souveraineté (…) Et le président du FLNKS (…) se justifiait auprès de ses lieutenants (…) c’était bâtir ou faire la guerre (…) » (c) Libération du 29/6/88 (p12) et (d) Nouvel Observateur 1/7/88 (p 26-27).
(11) (a) Le Monde du 1/7/88 (p 12) « M.Tjibaou se montre convaincu d’obtenir l’aval des militants (…) Devant les étudiants canaques à Paris, mardi, M.Tjibaou , a souligné que dans dix ans, compte tenu des dispositions envisagées dans l’accord de Matignon pour réduire le nombre des fonctionnaires métropolitains sur le territoire et du « gel » de toute immigration, les canaques seront très nettement majoritaires en nombre, ce qui offrira au mouvement indépendantiste des possibilités de victoire électorale » / (b) Le Figaro du 26/7/88 (p 5) « Jean Marie Tjibaou plaide coupable, j’ai été mal éclairé en ce qui concerne le découpage des provinces et le corps électoral » (c) Libération du 29/7/88 (p 8-9) titre : « Nouvelle Calédonie : Rocard répond aux indépendantistes », « le FLNKS se trompe sur l’issue du scrutin d’autodétermination de 1998 : selon lui, les indépendantistes pourraient être majoritaires (…) J’ai eu l’occasion de leur dire qu’il y avait trois formes d’indépendance : à la Guinéenne c’est à dire brutale avec pour conséquence l’isolement et la grande pauvreté, à la Chypriote, avec une partition de l’île, et il y en a une troisième à la Brésilienne, avec le mélange des communautés avec un rapport de force fluide et dynamisant avec l’ancienne métropole (…) (Question du journaliste) vous contestez l’évaluation d’un résultat 60/40 contre l’indépendance que fait le FLNKS ? (…) (réponse) Il est normal que les mélanésiens sous estiment par prudence (…) / (d) Le Monde du 30/7/88 (p 6) « M. Rocard estime que les dirigeants du FLNKS se trompent dans leurs calculs électoraux » / (e) Libération du 20-21/8/88 (p 8) « le corps électoral qui sera appelé a se prononcer sur l’indépendance en 1998, sera majoritairement mélanésien, a en substance affirmé le gouvernement »
(12) Publications internes les plus récentes : a) La révision constitutionnelle du 17 mars 2003 au regard du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes : conséquences pour la Nouvelle Calédonie et les pays d’outre mer, mai 2003, 38 pages - b) Liste « FLNKS pour l’indépendance » élections provinciales de 2004, programme R.Wamytan, 24 pages – c) deux déclarations devant la commission de décolonisation de l’ONU, New York 10 octobre 2005 et 5 octobre 2006, 33 pages - d) note R.Wamytan à l’occasion des élections présidentielles, meeting FLNKS du 14 juin 2007 sur les raisons pour lesquelles le FLNKS a signé l’accord de Nouméa, les dérives constatées et les solutions proposées, 9 pages. - e) note de synthèse du comité des signataires de l’accord de Nouméa, Paris, 19-21 décembre 2007, 11 pages.
(13) Livres du général Maurice Faivre. a) Les archives inédites de la politique algérienne, 1958-1962, Paris, L’Harmattan, 2000, p. 411 à 415. / b) Il n’est point de secrets que le temps ne révèle, Paris, CEHD, Ministère de la Défense, Lavauzelle, 1998, 280 p. Chapitre 13 : Services secrets et « troisième force » : le Front algérien d’action démocratique (FAAD) 1960-1962, p. 203 à 224. Extraits : « (…) Les tentatives de troisième force, visant à susciter des opposants politiques et militaires au FLN, ont été répétées pendant cette guerre (…) Après cinq ans de guerre, la politique algérienne du gouvernement rencontre de sérieuses difficultés (…) la dégradation des relations interalliées va conduire au vote défavorable de l’ONU (…) C’est dans ce climat que Michel Debré propose au général De Gaulle son plan de souveraineté partagée pendant 25 ans avec une Algérie qui serait autonome en tous domaines sauf en matière de défense et de relations extérieures. Ce plan implique l’existence d’une troisième force dont les commissions d’élus qui se réunissent à l’automne constitueraient la partie politique (…) En août 1960, une directive très secrète de M. Debré prescrit au SDECE de créer une organisation musulmane en métropole, puis en Algérie (…) l’antenne du Service Action sera chargée de cette mission (…) le projet est de susciter une troisième force dans le cadre d’une association avec le concours d’européens influents (…) Ayant obtenu le feu vert de l’Elysée, le FAAD est crée officiellement le 11 avril lors d’une conférence de presse MNA à Fribourg (…) les exécutants ignorent qu’ils sont manipulés par un service français (…) Pour que le FAAD puisse avoir un crédit dans la masse musulmane, il importe que le soutien qu’il reçoit du gouvernement français et de ses représentants ne soit pas connu du public (…) l’objectif politique du FAAD est ainsi une République Algérienne associée à la France (…) la doctrine est désormais de s’associer avec la France pour une génération et d’éliminer le FLN accusé d’être entre les mains des communistes (…) Le FAAD est ainsi une organisation nouvelle qui s’établit en parallèle à celle du FLN (…) un comité a été constitué en trois jours et comprend des personnalités connues (…) L’échec des négociations d’Evian et de Lugrin fournit au premier ministre l’occasion de développer le projet de troisième force (…) plan d’action (…) déclaration publique de ralliement à l’idée d’association (…) L’épisode du FAAD constitue une intervention originale d’un service secret dans la mise sur pied d’une mouvement politique qui vise au mieux à supplanter, au minimum à concurrencer un parti révolutionnaire (…) cette expérience illustre l’évolution de la politique algérienne de M. Debré qui visait d’abord une association de longue durée de l’Algérie avec la France (…) Il était logique que ces partisans de l’association avec la France se rapprochent des européens d’Algérie autres absents de la négociation »
(14) statistiques INSEE « Evolution de la population néo-calédoniennes entre 1887 et 2004
(15) Extraits de l’allocution de N.Sarkozy, Président de la République, prononcé à Dakar le 26/7/2007 « (…) le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire (…) Ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles (…) L’homme reste immobile au milieu d’un ordre immuable ou tout semble écrit d’avance. Jamais l’homme ne s’élance vers l’avenir. Jamais il ne lui vient à l’idée de sortir de la répétition pour s’inventer un destin (…) Le défi de l’Afrique c’est d’entrer d’avantage dans l’histoire (…) Le problème de l’Afrique c’est de toujours répéter, de toujours ressasser, de se libérer du mythe de l’éternel retour (…) Le problème de l’Afrique c’est qu’elle vit trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu (…) n’arrive pas à se libérer de ses mythes
(16) Jean Philippe Thiellay, Droit des outre-mers , Paris, Dalloz, 2007, extraits, p.5-6 « Les Etats généraux de mai 1789 marquent la première participation de représentants de l’outre mer à une assemblée nationale. (…) A l’instar des grands clubs politiques, des cercles s’affrontent sur les orientations à donner à la politique coloniale. Face au club Massiac, représentant du lobby des planteurs favorables à l’esprit d’autonomie, la Société des amis des Noirs, créée en 1789 par Brissot, défend l’égalité des droits. (…) les premières assemblées révolutionnaires sont plutôt favorables à l’autonomie locale. (…) L’outre mer fait paradoxalement son entrée dans le droit positif français avec l’affirmation que le régime législatif métropolitain ne s’y applique pas. (…) Les assemblées coloniales (…) invitées à élaborer des projets de statut (…) La loi des 24-28 septembre 1791 répartit les compétences en réservant à l’assemblée législative certaines matières, comme le régime extérieur, la défense, le régime commercial ou l’organisation de la justice, toutes les autres étaient laissées aux assemblées coloniales. (…) Cette large autonomie (…) à la demande des colons, dans une construction de type fédéral, provoque la révolte des esclaves à partir de Saint Domingue en 1791.
(17) extraits du livre d’Alain Peyrefitte Faut-il partager l’Algérie ?, Paris, Plon, 1961, 362 p. « (…) l’affaire d’Algérie oppose deux groupe d’hommes aussi convaincus de la légitimité de leur présence, aussi profondément attachés au même sol et aussi décidés, pour défendre leurs prérogatives, à imposer leur solution ; d’un mot elle met aux prises deux nationalismes (…) populations musulmanes dont la majorité aspire incontestablement à l’indépendance, populations non musulmanes qui craignent d’être opprimées dans une Algérie arabe et auxquelles se joignent des Musulmans qui désirent rester français (…) deux peuples également chez eux, indéracinables (…) les Européens d’Algérie sont chez eux en Algérie et non en Europe (…) Comment faire coexister les deux communautés ? Comment permettre aux Européens de vivre comme Algériens tout en restant Français ? Comment permettre aux Musulmans d’être leurs propres maîtres sans être ceux des Européens ? (…) l’association (…) l’autodétermination qui a été reconnue aux populations algériennes au sein de la République Française, appelle logiquement un corollaire : l’autodétermination de la population européenne au sein de l’Algérie (…) Si le FLN se refusait à transiger (…) droit de sécession (…) séparer ceux qui ne peuvent se souffrir, regrouper de part et d’autre ceux qui sont décidés à vivre ensemble (…) Le FLN ne peut être un partenaire pour la France tant qu’il reste insaisissable. Il le deviendra quand la France aura prise sur lui. La crainte du partage sera pour lui le commencement de la sagesse (…) rien n’empêcherait les deux moitiés ou les différentes régions de l’Algérie de se fédérer ensuite malgré leurs tendances politiques différentes (…) ce qui est digne de la France (…) une société multiraciale (…) dans lequel les hommes auront librement choisi de vivre ensemble et de lier leur sort à celui d’un grand pays (…) Un plan d’action (…) étapes dont chacune ne serait franchie qu’au cas où l’adversaire demeurerait intraitable (…)
1er stade : création de territoires autonomes (…) la France proposerait alors au FLN de reprendre le dialogue, sachant que s’il s’entêtait, la partition risquerait de se réaliser (…) le FLN serait peut être plus enclin à composer. On offrirait de l’associer à la mise sur pied d’une formule fédérale (…)
2ième étape : la confédération. (…) statut d’Etats confédérés (…) tout en entretenant d’étroites relations avec la France (…) les français d’Algérie désirent rester français et en Algérie (…) la création d’une Union fédérale ou confédérale répondrait à ce vœu (…) double citoyenneté pour ceux qui la souhaiteraient (…) ainsi la France aura-t-elle poursuivi jusqu’au bout son œuvre de décolonisation (…) seul moyen de rendre un jour possible (…) la création d’un Etat franco-musulman qui pourrait adopter une structure de fédéralisme (…) l’association interne des communautés et l’association externe avec la France (…) la confédération des trois Etats pourrait à la longue se transformer en fédération (…)
3ième stade : la partition. Le FLN, qui aurait, déchirant l’unité algérienne, préféré une révolution xénophobe à une évolution harmonieuse, se verrait cependant offrir la direction de l’Etat constantinois (…) Dès lors que le référendum se sera déroulé dans des conditions loyales (…) il sera difficile au FLN de s’opposer à la reconnaissance par l’ONU des deux autres Etats, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes veut qu’un pays appartienne à ceux qui l’habitent de père en fils (…) Fédération qui pourrait d’ailleurs s’étendre à toute l’Afrique du Nord (…) une association interne par fédération entre les différentes communautés ou les différentes provinces de l’Algérie et une association externe avec la France complément naturel du pays (…) la France se doit pour être fidèle à son génie de repousser en ce qui la concerne une partition (…) mais elle ne peut le faire malgré eux. Elle se doit donc aussi de réfléchir à l’éventualité du partage (…) la partition doit rester l’ultima ratio (…) si d’autres méthodes ont échoué (…) la France elle-même (…) ayant acquis de nouveau par son désengagement politique une position d’arbitre (…) Des trois hypothèses envisagées, francisation, sécession, association (…) il n’exclut aucune (…) Il ne s’agit pas de diviser pour régner, mais de distinguer pour unir (…) Mieux vaut la « situation » du partage (…) que la « situation » de l’évacuation (…) Le but est l’association, le moyen est la fédération, le partage n’étant que le risque à courir dans ce processus. / Extraits tirés des pages : Avant propos, pages 19 à 24, page 40, pages 46.47, page 77, pages 87 à 94 (plan d’action), pages 153 à 163, page 167, pages 195 à 198, pages 348 à 350, pages 352 à 358.