Au moment où s'ouvre le procès de Laurent Vili, meutrier présumé de Jean marie Goyetta, pour information et pour éclairage sur ce drame, voici une note d'information réalisé au moment du conflit de saint Louis...
DE SAINT-LOUIS (Nouvelle-Calédonie)
A LA MELANESIE
A une heure de grande écoute le dimanche 5 octobre 2003, la chaîne de télévision TF21 diffusait dans l’émission « 7 A 8 » un sujet intitulé « guerre en kanaky ». A partir de l’histoire d’un jeune joueur de rugby de Montpellier le thème de l’épuration ethnique était abordé à partir du conflit de Saint-Louis (Nouvelle-Calédonie). Ce rugbyman wallisien est un des meurtriers présumé de Jean-Marie GOYETTA tué par balles en février 2002 lors d’affrontements armés entre kanak et wallisien. Après un an de prison, Laurent VILI venait d’être libéré.
Ce reportage apparaît très orienté à plus d’un titre. Il n’est question que d’une chefferie celle du Mont-Dore, alors que l’image de la grande case (qui apparaît, en deux fois) est celle de la chefferie de Saint-Louis, chefferie concernée par le problème foncier traité dans l’émission. Seul le porte-parole de la chefferie du Mont-Dore s’exprime. Il est acteur principal du scénario traitant du départ des familles wallisiennes dans la colère et la souffrance. Les jeunes kanak sont montrés comme des combattants (terroristes) de la liberté plantant le drapeau du FLNKS sur « leur prise de guerre » c’est à dire les terres et les maisons dévastées et abandonnées par les familles wallisiennes.
Le film se termine sur des paroles de Laurent VILI concernant la communauté de destin inscrit dans les accords de Nouméa signés le 5 mai 1998. Une interrogation s’impose, les kanak sont-ils capables de respecter leur parole ? Sont-ils des terroristes qu’il convient de combattre et de neutraliser ? Peut-on leur faire confiance ?
Au delà de ce reportage, se profile l’enjeu des élections de Mai 2004 : le renouvellement des Assemblées de Provinces du Congrès et du Gouvernement. Ces élections seront capitales car elles ouvrent la dernière période (10 ans) précédant la sortie du processus de l’Accord de Nouméa avant le référendum d’autodétermination de 2014. Les grandes manœuvres de l’Etat Français constamment opposé à l’indépendance de
Ce reportage tombe, comme par miracle, un mois après le passage de Jacques CHIRAC en Océanie. Il est venu louer les îlots de stabilité et de prospérité que sont les Territoires français à côté du marasme des Etats Mélanésiens.
Ce documentaire vient confirmer des thèses de plus en plus à la mode sur les conflits identitaires et ethniques. Ces thèses expliquent en long et en large qu’après la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide on assiste à une rétribalisation ou une re-balkanisation du monde sur une base ethnico nationaliste. Certains auteurs tel François DOUMENGE s’engouffre dans les brèches ouvertes afin de proposer des solutions pour
A partir d’une grille d’analyse croisée, il convient de se poser la question : le conflit de Saint-Louis est-il un problème isolé et réduit à une revendication foncière ayant engendré des «bagarres, entre kanak et wallisiens ou s’agit-il d’une action provoquée, tendant à utiliser un contentieux foncier engendré par la colonisation et l’évangélisation pour démontrer que l’Etat Français est seul capable d’assurer la stabilité dans un océan de désordre ?
Au-delà de l’analyse seront proposées des orientations au niveau local et régional pour prévenir ces actions de déstabilisation dans le cadre de la construction du Pacifique. Vu sous cet angle , le conflit de Saint Louis s’ouvre alors sur des perspectives nouvelles.
I) Historique du contentieux
- Le conflit de Saint-Louis n’a pas commencé avec l’explosion de violence des 7 et 8 décembre 2001. Il s’agit d’une conséquence de la colonisation et de l’évangélisation. La colonisation française fût violente et répréhensive, dans cette région du Sud de la grande terre, dés la prise de possession. Suite aux révoltes Kanak de 1855, les opérations de représailles se sont succédées à un rythme effréné. Elles ont été suivies, après la reddition et l’exécution des chefs du Sud (Mont-dore, Païta et Dumbéa), de la spoliation des terres.
Celles de la région de Saint-Louis sont attribuées à
La mission catholique de Saint-Louis pris une telle ampleur qu’elle était appelée « le Petit Vatican ». Autour d’elle s’installèrent les catéchumènes de Touho. Vinrent s’ajouter les clans du Sud chassés de leurs terres puis des réfugiés de
- Installation des familles wallisiennes
Dans les débuts des années 1960, le Père Paul CROS, missionnaire mariste, récemment nommé curé de Saint-Louis s’installe à
- Tentatives de résolution
Au vu de l’augmentation du nombre des familles Wallisiennes/Futuniennes, les responsables coutumiers kanak interpellent, sans succès, les missionnaires et les responsables coutumiers de cette communauté.
Un accord tacite existait, depuis longtemps, entre la mission Catholique et le village kanak. Au fur et à mesure de l’accroissement de la population Kanak, la Mission devait transférer des parcelles à la « réserve tribale ».
La dernière en date est intervenue en 1978 et portait sur les parcelles du bord de la « Thy » une rivière devenue « la frontière » entre les deux communautés. La pression démographique kanak nécessitait l’attribution des terres au de là de la « Thy » c'est-à-dire celles ou étaient installées à titre transitoire et révocable les familles Wallisiennes/Futuniennes.
Lors des revendications foncières des années 1980, toutes les terres de la mission catholique furent revendiquées par les chefferies de Saint-Louis et du Mont-dore. Elles coïncidaient avec la montée de la revendication nationaliste Kanak, provoquant de plus en plus de malentendus entre les deux communautés. Essentiellement d’obédience RPCR donc anti-indépendantiste, la population Wallisienne/Futunienne s’entendait de moins en moins avec le village kanak indépendantiste à majorité Union calédonienne – FLNKS.
Le « Seuil de tolérance » généralement admis par un groupe humain accueillant un autre est de l’ordre de 12 % soit pour Saint-Louis environ 200 personnes. La population Wallisienne/Futunienne était depuis plusieurs années près de 1000 soit 5 fois le seul de tolérance. Cette situation entraîna ainsi des conflits de voisinage incessant notamment de la part de la jeunesse. L’action politique autour des années 1984 et 1988 accentua encore l’incompréhension, les malentendus et la rancœur.
Depuis leur installation en Nouvelle-Calédonie à la fin des années 1940, les Wallisiens/Futuniens ont souvent servi de bras armés et de boucliers à la population européenne face aux kanak. Ces immigrés océaniens dont les ancêtres avaient déjà foulés le pays kanak bien avant la colonisation européenne, ont été instrumentalisés. Les Européens, en bon colonisateur, avaient su, à merveille, flatter leur « supériorité» sur les kanaks avec qui ils étaient pourtant liés par des relations familiales ancestrales.
Face à la problématique de l’Indépendance Kanak, le nombre des Wallisiens/Futuniens présents en Nouvelle-Calédonie devenait un enjeu de taille. Ils représentent près de 20 000 personnes contre 15 000 sur leurs îles d’origine. Le camp anti-indépendantiste a su au mieux exploiter leur nombre, et leur dépendance alimentaire par les emplois fournis. La situation des Wallisiens/Futuniens constituait ainsi une proie facile pour les prédateurs politiques défendant la Nouvelle-Calédonie française.
- Les solutions préconisées
Dès la signature des Accords de Matignon en 1988 commencèrent les négociations foncières. A l’époque les familles Wallisiennes/Futuniennes occupaient un espace d’environ
Cet accord portait sur la rétrocession de l’ensemble des terres appartenant à
Afin d’éviter la spéculation sur ces terres que la tribu considérait toujours comme sienne, une condition était posée à l’attribution des lots. Pendant 30 ans le bénéficiaire du lot n’aurait pas le droit de vendre son lot sauf à l’ADRAF qui le rétrocéderait au GDPL.
Ce montage accepté par l’ensemble des parties fut présenté aux coutumiers des Royaumes de Wallis et Futuna en 1996 lors d’une visite officielle en Nouvelle-Calédonie. La parole coutumière laissée par ces dignitaires aux habitants du Val de l’Ave Maria était basée sur le « respect » du aux kanak pour leur hospitalité. Parallèlement un travail de rapprochement fut mené à travers des actions communes initiées à la paroisse catholique. Au niveau politique, l’irruption des partis Wallisiens Futuniens dénommés U.O. (Union Océanienne) puis R.D.0 (Rassemblement Démocratique, Océanien) membre du FLNKS dès 1998, favorisa le dialogue dans un esprit de compréhension et de tolérance entre les deux communautés. Dès qu’un conflit de voisinage, essentiellement entre les jeunes, surgissait les responsables se réunissaient aussitôt pour régler le problème. Peu à peu une cohésion d’ensemble émergeait donnant corps à la « communauté de destin ».
- Les signes avant coureur de la catastrophe
Du fait de son appartenance politique au FLNKS, la tribu de Saint-Louis a toujours été l’enfant pauvre de
A maintes reprises, les responsables coutumier kanak ont précisé aux collectivités (Mairie et Province Sud) qu’il serait lourd de conséquence si
Parallèlement des luttes intestines éclataient au sein de la communauté Wallisienne/Futunienne. D’une par entre partisans du RPCR et ceux du FLNKS sur les questions politiques et la conduite à tenir vis-à-vis des kanak, d’autre part entre les originaires des différents districts coutumiers de Wallis. La communauté était loin d’être homogène. Cette situation se compliqua encore par l’arrivée de nouvelles familles malgré l’accord passé avec les chefferies qui avaient interdit l’installation de personnes supplémentaires.
De surcroît on assista à une spéculation sur les terrains. Des familles quittaient
Certains, fort de leur droit et bien conseillées prétextaient le fait que les terrains avaient été mis gracieusement à leur disposition par le RPCR et que la terre appartenait à
- L’explosion
Cette situation malsaine et insidieusement entretenue multiplia les conflits de voisinage entre jeunes des deux communautés. Des rumeurs commencèrent à courir sur la trahison des responsables coutumiers kanak qui ont vendu la terre kanak aux Wallisiens/Futuniens. Le mécontentement s’amplifia sur les différences de traitement de la part des collectivités. Malgré l’incessant travail de concertation des coutumiers kanak et Wallisiens/Futuniens, la 1er semonce annonçant l’imminence d’une explosion éclata le 13 novembre 2001 avec le barrage érigé sur
L’érection de ce barrage fut considérée par la tribu comme une véritable déclaration de guerre. Le barrage de
Les discussions qui se dérouleront après la levée des barrages sous l’égide du curé de la paroisse portèrent essentiellement, de la part des jeunes de Saint-Louis, sur le manque de respect des Wallisiens/Futuniens alors que les kanak leur avait cédé du foncier. Malgré une volonté commune de régler ce nouveau problème par la concertation avec la mise en place d’un groupe de travail, les évènements se précipitèrent. Le 7 décembre 2001 une altercation éclata, à la sortie du collège de Boulari, entre un jeune kanak et un groupe de Wallisien accompagné d’un Kanak habitant le Val de l’Ave Maria. Ce fut le détonateur qui enclencha une réaction presque irraisonnée des jeunes kanak qui se mirent à incendier des maisons et tirer sur les familles. Dans la nuit un barrage fut érigé au lieu dit « quatre chemins », une seule revendication était exprimée : levée du barrage contre l’évacuation totale des 171 familles pour le 8 décembre 2001 à 18 heures. Après discussion avec les autorités un délai était fixé au 8 mars 2002.
- – Les acteurs et les stratégies dans le conflit
- La Chefferie de Saint-Louis
Composée essentiellement des clans originaires de la région Drubéa-Kapume, la chefferie de Saint-Louis se concerta pour préciser sa démarche. S’agissant avant tout d’un problème de terre (les
- La Chefferie du Mont-Dore
Elle est composée d’un grand chef originaire du Mont-Dore et majoritairement d’un ensemble de clans extérieurs à la région Djubéa-Kapune auquel s’est joint le Grand Chef de l’Ile Ouen et sa famille. Cette chefferie, poussée par une jeunesse qui s’est radicalisée n’avait qu’un seul objectif, l’expulsion des familles Wallisiennes / Futuniennes sans condition avant le 8 mars 2002. Une autre revendication s’ajoutait à celle-ci : l’amnistie générale des faits commis les 7 et 8 décembre 2001.
- La jeunesse de Saint-Louis
La tribu de Saint-Louis composée d’environ 1500 personnes est à l’image de
- Les Wallisiens –Futuniens
Deux groupes émergent de cette communauté en apparence homogène :
- Un groupe RPCR mené par des responsables locaux du parti anti-indépendantiste avec pour seule stratégie : la résistance face aux kanak et s’il faut sortir du Val de l’Ave Maria, la communauté doit être indemnisée et relogée sur un terrain de
- Un groupe R.D.O. (FLNKS) soit le 1/3 de la communauté qui partage la même démarche que la chefferie de Saint-Louis.
- L’Union Calédonienne (FLNKS)
- Ce parti est très présent dans le conflit puisque la tribu de Saint-Louis est Union Calédonienne à près de 90 %. Les deux courants de l’Union Calédonienne s’y trouvent représentés.
- Le courant UC/FLNKS représenté par la chefferie de Saint-Louis soutenu par le bureau politique du FLNKS. L’idée défendue par ce courant est que l’UC doit restée partie intégrante du FLNKS afin de continuer à jouer un rôle de locomotive de la lutte de libération kanak.
Le second courant défend une UC revendiquant une identité propre par rapport au FLNKS, ce courant est représenté par le grand chef de l’Ile Ouen, Emmanuel Tein et sa famille avec ses partisans au sein de la chefferie du Mont Dore. Il a par ailleurs le soutien du bureau de l’Union Calédonienne et reste animé d’un certain activisme pour « bousculer » l’Etat ou le RPCR.
- Le RPCR.
Ce parti est impliqué dans ce conflit via la mairie du Mont-Dore, la province Sud le grand chef du Mont Dore, Robert Moyatea et ses responsables ainsi que les coutumiers Wallisiens et Futuniens. Le RPCR a largement soutenu et favorisé l’installation des familles à l’Ave Maria dans un but électoral face aux kanak indépendantiste.
Jusqu’en 1977, l’Union Calédonienne détenait la majorité au conseil municipal, la tendance s’est inversée suite à la politique du peuplement du Mont-Dore qui a vu sa population multipliée par 5 entre 1969 et 2002. Cette immigration a largement profité au RPCR qui règne depuis 25 ans sur un conseil municipal largement acquis à sa cause.
Suite au conflit, le RPCR présentait deux positions contradictoires :
Il se dit prêt d’une part à aider les familles Wallisienne et Futunienne à se réinstaller en dehors de Saint-Louis et d’autre part à soutenir les projets tribaux.Il refuse pourtant de rétrocéder les
- Le Sénat et le conseil coutumier Drubéa Kaponé.
Ces deux instances de la coutume ont été sollicitées pour aider au règlement du conflit. Elles ont dès le départ adopté une position de médiateur.
h. L’Eglise Catholique.
Grande absente du conflit, alors qu’elle est à l’origine du contentieux l’Archevêché ne s’est jamais exprimé sur le sujet laissant ses prêtres vivre dans un climat d’insécurité permanente et se débrouiller seuls face aux parties concernées.
i. L’Etat Français
Comme à son habitude le principal responsable de la situation s’est présenté sous ses plus beaux atouts de garant de la paix de la sécurité et de la stabilité. Le contentieux de Saint Louis est né avec la colonisation française qui a spolié ces terres aux chefferies du sud en 1855 avant de les leur rendre officiellement en 2003 soit 148 ans après sous la pression des évènements.
Garant et compétent en matière d’ordre public et de sécurité, l’Etat s’est contenté du minimum, ne pouvant éviter d’ailleurs les morts et les blessés du conflit. Durant deux ans la zone de Saint Louis était marquée par une insécurité chronique.
Les chefs étaient souvent interpellés, mais ils n’avaient en fait à offrir que leur autorité morale face aux troubles et fusillades. Dès la fin du régime de l’indigénat en 1946, l’Etat colonial a retiré aux chefferies une partie de la compétence en matière d’ordre public dans les tribus. En retour les chefferies ont du assumer seules et à leur risque et péril le désordre. Aux demandes maintes fois réitérées pour retrouver en partie cette compétence au travers de la mise en place d’une police coutumière il est précisé que la loi organique de 1999 ne le permet pas sauf si : « la Nouvelle-Calédonie entre dans le cadre des nouvelles dispositions de la révision constitutionnelle du 13 mars 2003 » (Ministre de l’Outre-Mer 17 septembre 2003)
En terme de stratégie, deux positions différentes de l’Etat se sont ainsi exprimées :
Le Gouvernement Socialiste par le biais du Délégué de Gouvernement LATHASTE abordait le problème dans sa globalité en mettant en place des groupes de travail pour « rattraper » les projets en retard (insertion des Jeunes, aide à l’habitat, soutien au développement économique etc.)
S’agissant de la réinstallation des familles Wallisiennes et Futuniennes, la préférence se ferait sur la base du volontariat. L’Etat ne forcerait personne à partir. La solution au conflit se déterminerait à la fin. Sur cette base, le Haut-commissaire organisait chaque mois une réunion destinée à faire le point sur l’état d’avancement des dossiers. Toutes les parties concernées étaient invitées. Un comité de médiation, mis en place et présidé par le Vicaire Général du diocèse de Nouvelle-Calédonie (le Père APIKAWA), préparait ces réunions de travail.
Le Gouvernement RPR part le biais du nouveau Haut-Commissaire Daniel CONSTANTIN en juillet 2002 s’est quant à lui attaché à deux préalables : la sécurité de la zone et le départ des familles Wallisiennes/Futuniennes. Les fondements du contentieux seront traités une fois les préalables résolus. Le Haut-Commissaire a donc cherché dès son arrivée à trouver un accord global sur le départ de la communauté. Cet accord s’est formalisé en novembre 2002 lorsque les représentants Wallisiens/Futuniens ont accepté de quitter le Val de l’Avé Maria.
La mort de J.M.GOYETTA et G.MOTUKU ainsi que les nombreux blessés, avaient rendu caduque toute tentative de cohabitation future.
j. Issue du conflit après l’accord de novembre 2002.
Après cet accord formel, le Haut-Commissaire allégeait le dispositif de sécurité et s’attachait avec les collectivités concernées à réinstaller les familles à l’extérieur du Val de l’Ave Maria.
Suite à des évènements internes à la tribu, une case était incendiée le 25 juin 2003. La faute fut attribuée à des Jeunes Wallisiens/Futuniens et la tension remonta d’un cran, le dispositif de sécurité maximale fut repositionné à la Mission de Saint- Louis. Le 25 août suivant une opération de perquisition à la tribu dégénérait et un groupe de jeunes occupe la Mission exigeant le départ sans condition des 30 dernières familles de l’Ave Maria. Le 17 septembre 2003 c’est chose faite après plus de 40 ans d’occupation des lieux les familles Wallisiennes/Futuniennes quittent définitivement le Val de l’Ave Maria.
3- Le lieu – les enjeux.
Il est clair que Saint-Louis n’est que le début d’un puzzle qui se met en place. Ce qui n’était qu’un problème de terres a été présenté comme une opération « d’épuration ethnique » afin de conforter l’idée que sans la France la Nouvelle-Calédonie ne serait que chaos à l’image du « Trou Noir » Mélanésien.
Dans la tête des nombreux stratèges présents en Nouvelle-Calédonie le choix de Saint-Louis n’est pas neutre dans les stratégies de la tension ethnique mise en œuvre pour conforter le rôle et la présence de la France en Nouvelle-Calédonie et au-delà en Mélanésie.
3.1 Saint-Louis comme lieu stratégique
Saint-Louis est situé en Province Sud majoritairement dominé par un parti de droite anti-indépendantiste. Les kanaks largement colonisés marginalisés et exclus des circuits de prise de décision représentent désormais une minorité et dans leur commune (le Mont-Dore) et dans la Province (Province Sud).
Le choix de Saint-Louis comme lieu TEST de déstabilisation pensée et organisée a été arrêté de par la situation particulière de cette tribu. Saint-Louis contient en elle-même tous les ingrédients et les traumatismes de la colonisation. Deux chefferies (Saint-Louis – Mont-Dore) qui se disputent un même espace, une même population et donc la légitimité des lieux, des clans regroupés par les Missionnaires Maristes ou ayant trouvé refuge là après avoir été expulsés de leurs terres, une jeunesse sous éduquée et sous qualifiée qui plus est en perte de repère , un fort taux de chômage, la présence d’une communauté d’océaniens Wallisiens/Futuniens etc… Un mélange explosif qui n’a pas manqué d’attirer l’attention des experts en déstabilisation par le moyen des conflits identitaires et ethniques qu’il convient d’attiser à dose homéopathique.
Dans quel but ?
a) Démontrer que le projet d’indépendance porté et revendiqué par le FLNKS est une utopie, une illusion. Etre Indépendant c’est voir se multiplier à l’infini des conflits de type Saint-Louis, donc le scénario du chaos programmé à l’image de
b) Saint-Louis de par sa position géographique est située dans une zone immensément riche en Nickel, cobalt, gaz, pétrole. INCO lance un immense projet à Goro (Yaté) au Sud de Saint-Louis. Demain les Multinationales viendront se partager le pactole du gaz et pétrole du plateau continental déjà des contrats en sous-marin sont passés à l’issu des kanak et de leur représentation politique (le FLNKS).
La mise en place des grands projets industriels nécessite des négociations avec les interlocuteurs locaux. Les Multinationales ont choisi les leurs ; ce seront les Institutionnels de la Province Sud, en fait le RPCR. Ils ont donc ensemble tout intérêt que du côté kanak la représentation soit satellisée et diluée c'est-à-dire comme le préconisait Henry KISSINGER mieux vaut négocier avec des petits chefs de guerre clanique qu’avec un groupe organisé. Pour les grandes sociétés la multiplication des « Trous Noirs » est la solution la plus rentable.
c) Le spectre de la partition.
La partition est une solution préconisée pour garder une Nouvelle-Calédonie Française. De droite comme de gauche les gouvernements successifs envisagent un tel scénario au cas ou…..Les stratégies misent en œuvre intègrent donc cette « possible » solution. A partir de Saint-Louis comme test de ce scénario des cas similaires émergeront dans les mois et les années à venir essentiellement en Province Sud où l’immigration Européenne est toujours la plus importante.
3.2 Saint-Louis comme laboratoire d’essai
Le thème récurrent de l’épuration ethnique a été constamment utilisé durant ces deux dernières années pour contrer la revendication d’Indépendance et
L’épisode du MWA KA du 24 septembre 2003 rentre dans cette stratégie de provocation. Comme si, dans la multitude des contentieux à résoudre il était nécessaire de s’alourdir d’un problème qui en n’était pas un au début. L’ initiateur du projet propose qu’à l’occasion du 150ème anniversaire de la perte de la souveraineté kanak (1853-2003) un poteau sculpté par les huit aires coutumières soit transporté et planté dans Nouméa la « ville blanche ». Ce poteau de
De l’intention louable d’un rassemblement de Saint-Louis autour de ce projet, le résultat est atteint pour les experts en déstabilisation, la désunion de la tribu de Saint-Louis une fois encore confirmée. Cet exemple à valeur de test il inaugure encore d’autres coups tordus de ce genre dans la perspective des élections de mai 2004.
II) La Mélanésie, cas d’école les Salomons
Saint-Louis, comme indiqué précédemment n’est pas un cas isolé sur l’échiquier du monde mélanésien. La déstabilisation de cette tribu est à mettre en relation avec les mêmes stratégies initiées aux Iles Fidji, à Vanuatu, en Papouasie-Nouvelle Guinée et aux Salomon. Il s’agit des mêmes commanditaires de l’ombre qui agitent les ficelles toujours dans le même but : la théorie du « Trou Noir » qui vient renforcer l’indispensable présence de
1- Le trou noir
Dans le « Pacifique nouveau centre du monde » les fondateurs de l’institut du Pacifique en 1983 définissent ainsi la théorie des trous noirs : « astres de très petites dimensions qui engendrent en raison de leur densité, des forces de gravité considérables. Ces forces attirent dans un tourbillon toute matière située dans une région relativement étendue aux alentours, et empêchent l’énergie lumineuse émise de s’échapper vers l’extérieur. Voici des objets qui produisent des perturbations considérables sans produire le moindre rayonnement. Transposé au plan géopolitique tel est bien l’effet que produisent certaines espaces de forte instabilité de la zone du Pacifique ». Et les auteurs précisent les causes de cette instabilité : un développement incohérent ou trop brutal synonyme de ruptures des structures sociales, d’inégalité, de concussion. Dans le même ordre d’idée certains auteurs parleront de l’arc Mélanésien comme l’arc de l’incohérence où disparaît peu à peu le « Pacific Way of life » cher au Premier ministre Sir Ratu kamisese MARA le « père » de l’indépendance des Iles Fidji.
Enfourchant la théorie du trou noir mélanésien François DOUMENGE s’empresse de tirer une conséquence positive pour la Nouvelle-Calédonie française. La conclusion de son article « la France confrontée au trou noir du Pacifique, la face inconnue de la question calédonienne » est très significative : « Quant à la France si elle sait continuer à maintenir la loi et l’ordre républicain, elle évitera bien des ennuis. Elle pourra de plus servir de référence à une autre forme de Pacific Way où la substitution de la négociation aux violences se réalise par la promotion d’un haut niveau de vie partagée par le plus grand nombre : c’est le fondement de la « conciliation durable » des communautés ethno culturelles et à terme de l’unification de la société par métissage généralisé des hommes et des valeurs de convivialité… »
Il s’agit là de tout un programme dont s’est largement inspiré J.CHIRAC Président de la République lors de son déplacement en Océanie en juillet 2003. Mais ce programme n’est crédible qu’à la condition qu’il soit le seul recours dans un environnement chaotique ou « apocalyptique » empêtré dans des conflits identitaires et ethniques. Puisque c’est ainsi par exemple que François THUAL, le spécialiste de l’étude des conflits identitaires décrit la situation aux Iles Fidji. En parlant des Mélanésiens lors du coup d’Etat de 1987 il note : qu’ « au nom d’une conception pratiquement raciste, une sorte de déchaînement des partis anti-hindou s’opère sur fond d’apocalypse, en tout cas en termes d’atmosphère de fin du monde ».
Face au « Trou noir » mélanésien l’ultime recours reste
Fin provisoire de la note qui sera complétée ultérieurement (31 mars 2004)
Roch WAMYTAN
Grand chef de Saint Louis depuis 1987
Président du FLNKS (1995 – 2001)
Président du Groupe du Fer de Lance Mélanésien (2001 -2003)
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